L’Affaire Seznec 3 (1947-1975)

Les actions menées par l’ancien juge Hervé et la Ligue des Droits de L’homme. Requête en révision. Mort de Guillaume Seznec le 13 février 1954.

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Chapitre 1 de L’Affaire Seznec (du début de l’affaire au renvoi devant la Cour d’assises) Cliquez Ici

Chapitre 2 (Procès de Guillaume Seznec devant la Cour d’assises de Quimper en 1924, envoi au bagne de Guyane, libération et retour en France en 1947) Cliquez Ici

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Seznec et Madame Bosser.
Guillaume Seznec ne reste pas longtemps à Kergleuchard. Au bout de quelques mois, les disputes incessantes et violentes entre Le Her et Jeanne, ainsi que les reproches d’être une bouche à nourrir lancés par Le Her et les menaces de revenir sur son témoignage, l’incitent à partir. Mme Bosser lui trouve une petite maison, près de Riec-sur-Belon, à Rudeval, à côté de la ferme des Berthou.

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Le 3 octobre 1948, un drame survient : au cours d’une nouvelle dispute, Jeanne tue son mari François Le Her de trois balles de revolver en cherchant à se défendre.

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Jeanne est jugée le 20 juillet 1949 par la Cour d’Assises de Quimper, celle où Seznec a été condamné. Un couple qui était présent à Kergleuchard confirme que Jeanne a tiré en état de légitime défense.

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Juliette Le Her, la fille de François Le Her, épouse de Petit-Guillaume, accuse Seznec d’avoir voulu empoisonner son père à la digitaline.

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Guillaume Seznec témoigne en faveur de sa fille Jeanne.

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Après quelques minutes de délibéré, Jeanne Seznec est acquittée par le jury de la Cour d’assises. Ce procès aura été aussi un affrontement entre avocats : Me Raymond Hubert défendant Jeanne Seznec, contre Me Henry Torrès et Me Yves-Frédéric Jaffré représentant Juliette Le Her et sa famille.

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Me Raymond Hubert et Guillaume Seznec.

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Le juge Hervé et Seznec s’entretenant devant les journalistes.

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En juin 1948, le juge Hervé et Mme Bosser incitent Seznec à déposer une requête en révision par l’intermédiaire de Me Hubert. Les faits nouveaux invoqués sont ceux que le juge Hervé développe depuis de nombreuses années dans ses articles et ses meetings.

Première et dernière page de la requête en révision du 22 juin 1948.

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25 mai 1949. Important article de Morvan Lebesque dans "Carrefour" : L’affaire Seznec, la plus mystérieuse du siècle, va être révisée.

Il défend fermement la thèse de l’erreur judiciaire et de l’innocence de Guillaume Seznec, mais fait de lui un portrait contrasté :

Seznec "homme double"

Guillaume Seznec est un paysan breton de sang pur. Son nom, en breton, signifie l’homme aux rubans. Il n’a pas quitté la Bretagne avant son crime, sauf pour quelques voyages d’affaires de deux ou trois jours à Paris. Il s’est marié en costume régional. Il est catholique pratiquant : huit jours avant son crime et huit jours après, il a communié. Ses biographes notent que, le jour de sa naissance, l’employé de l’état-civil l’inscrivit par erreur sur le registre des décès de la commune. Toute la vie de Seznec semble porter le poids d’une étonnante fatalité. La nuit où naissait son premier enfant, il a failli brûler vif dans l’incendie de sa maison. Son visage, couturé de cicatrices, lui donne désormais un air peu avenant, "une véritable tête d’assassin", diront des témoins. Pour le reste, c’est un homme frustre, sordidement économe (il s’achète un complet tous les six ans et se taille un pardessus dans une vieille couverture de l’armée). Le souci de l’épargne se double paradoxalement d’un goût extrême pour le commerce. Licite ou illicite : bricoleur né, prêt à toutes les "bonnes affaires", mauvais débiteur et enfin extraordinairement processif. A la veille de son arrestation, on lui trouve deux procès sur les bras : un pour refus de paiement, l’autre pour propos diffamatoires.
Au bagne - d’où il tentera deux fois de s’évader - il sera jugé par les autres forçats comme un paysan madré et retors. Retors, astucieux, hypocrite, enfoui dans ses propres mensonges, mythomane vivant au centre des constructions de son esprit, tel le présentent les partisans de la culpabilité. Simple, franc, direct, incapable de mentir et d’ailleurs trop frustre pour échafauder des mensonges, répondent les partisans de l’innocence. En 1923, dans sa prison, Seznec a fait parvenir à sa femme des lettres en écriture sympathiques. Il a tenté de susciter des faux témoignages. L’un de ces faux témoignages visait à faire retomber sur un tiers, nommément désigné par lui, l’inculpation d’assassinat.

Conclusion de l’article : "Peut-être reste-t-il encore un espoir, si faible soit-il, de connaître enfin la vérité sur la disparition de Quémeneur."

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Le Ministre de la justice transmet la requête à la Commission en révision des procès criminels et correctionnels. Mais, le 11 juillet 1949, le Procureur de la République de Brest fait savoir à Seznec que la commission a émis un avis défavorable. Aucun fait nouveau n’a été retenu, ni les événements qui se seraient produits à Plourivo et auraient abouti à la mort de Quémeneur ni divers témoignages affirmant l’innocence de Seznec ou les manipulations auxquelles se serait livré l’inspecteur Bonny durant l’enquête.

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Comparaison de photos. Pourquoi Guillaume Seznec avait-il l’oeil droit fermé en juillet 1923 ?

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En novembre 1949, Seznec s’installe avec sa fille Jeanne et ses petits-enfants à Saint-Nicolas-de-la Grave, près de Moissac (Tarn-et-Garonne).

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En 1949-1950, un cinéaste connu André Cayatte envisage de tourner un film sur l’affaire Seznec. Un film-dossier où Guillaume Seznec, Jeanne, le juge Hervé et Me Hubert diront ce qu’ils savent et pensent. Pour la reconstitution des scènes, c’est l’acteur breton Jean-Pierre Kérien (à droite sur la photo) qui jouera le rôle de Seznec. Les premières séquences sont tournées en mars 1950, mais l’année suivante la Commission de contrôle du cinéma interdit le tournage du film, le Ministre de la justice estimant que le scénario jette un discrédit sur la justice et sur plusieurs personnes encore vivantes.

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Lettre d’André Cayatte à Seznec.

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En janvier 1950, une journaliste parisienne, Claude Sylvane, propose à Jeanne Seznec d’écrire un livre sur sa vie et son martyre. Une confession à la première personne sous le nom anglicisé de Jane Seznec. Ce sera "Notre bagne" publié en avril 1950 par les éditions Denoël.

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Une énorme campagne de presse est prévue pour le lancement de "Notre bagne". Des affiches, de la publicité dans les journaux et à la radio, une prépublication du livre en feuilleton dans "Paris-Presse" et une série de 70 conférences dans toute la France et d’abord à Paris. Le 26 avril 1950, Seznec et sa fille Jeanne débarquent à la gare d’Austerlitz. Une foule enthousiaste les attend.

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Mai 1950. Meeting à la salle Wagram à Paris, près de l’Arc de Triomphe. 5.000 personnes se pressent, on a dû refuser du monde. Emile Kahn, Président de la Ligue des droits de l’homme, est parmi les orateurs.

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Une spectatrice encourage Seznec.

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En octobre 1950, la famille Seznec quitte Moissac pour s’installer à Paris. Jeanne tient pendant quelque temps un café-restaurant, rue de Ménilmontant. Seznec sert d’attraction. C’est un échec. Sans ressources, les Seznec sont logés dans un minuscule deux-pièces, dans une cité d’urgence, rue du Chevaleret, près de la gare de Bercy.

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Le juge Hervé est mort en mai 1950. Me Hubert s’occupe seul de la procédure en révision. Agé, il s’adjoint les services de Me Jean-Baptiste Biaggi, un Corse qui milite politiquement à l’extrême-droite.

C’est en revenant du cabinet de celui-ci que, le samedi 14 novembre 1953, vers 18 heures 30, à l’angle de l’avenue des Gobelins et du boulevard Saint-Marcel, Seznec est renversé par une camionnette qui ne s’arrête pas. ( Un passant ayant noté le numéro de la camionnette, le chauffeur, Pierre R. habitant Malakof, est retrouvé. Il déclare qu’il ne s’est rendu compte de rien, c’est pour cela qu’il ne s’est pas arrêté. Une instruction est ouverte, une confrontation organisée. Il est constaté que le chauffeur a heurté Seznec avec l’arrière de sa camionnette, alors que celui-ci commençait à descendre sur la chaussée pour traverser. Un non-lieu sera prononcé.)

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Conduit à l’hôpital de la Pitié, Guillaume Seznec reste sans connaissance pendant 48 heures, puis il commence très lentement à se rétablir. Il délire et, le 26 novembre, il raconte que sa fille Marie, la carmélite morte depuis longtemps, lui est apparue et lui a montré l’endroit où le corps de Quémeneur a été enterré à Traou-Nez, dans sa propriété de Plourivo "sous une dalle d’ardoise, à dix mètres d’une fontaine, en bordure du chemin conduisant au Trieux, à gauche de la maison".

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La justice et la police pensent que, malgré lui, Seznec a livré son secret et révélé l’endroit où il a enterré le corps de Quémeneur qu’il a assassiné. L’affaire Seznec va enfin trouver sa conclusion. Le commissaire principal Gillard est désigné pour s’occuper de ce rebondissement.

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Jeanne Seznec part sans tarder pour Plourivo avec plusieurs journalistes et commence des fouilles rudimentaires près d’une source. Un ordre arrive de Paris : interdiction de continuer les fouilles. Elles doivent être faites sous le contrôle des autorités.

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Le lendemain, policiers et gendarmes débarquent en force à Plourivo. Trois terrassiers du village sont réquisitionnés. Devant des dizaines de journalistes et de curieux piétinant dans la boue, les fouilles commencent. Mais elles restent vaines. Jeanne Seznec, s’appuyant sur les affirmations d’un radiesthésiste, demande qu’on creuse à un nouvel endroit. Rien. Les fouilles sont arrêtées. Les réactions de la presse sont sévères contre "le clan Seznec" et ses "révélations d’outre-tombe". On parle de "rebondissement publicitaire" monté de toutes pièces par de mauvais conseillers de la famille.

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Des fouilles officieuses reprennent. Le 5 décembre 1953, Guillaume Seznec, sorti de l’hôpital, est conduit à Plourivo par le directeur de l’hebdomadaire "Radar", concurrent à l’époque de "Paris-Match". Une foule considérable est présente sur les lieux. Mais Seznec, épuisé, est incapable de descendre de la voiture. Le commissaire Gillard l’interroge, il tient des propos incohérents, ce qui amène cette fois l’arrêt définitif des fouilles de Plourivo.

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L’Affaire Seznec en bande dessinée.

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En décembre 1953, l’hebdomadaire "Radar" commence la publication des Mémoires de Seznec que celui-ci a rédigé sur deux cahiers, sous le titre "La vérité, la voici". Cependant, le récit ne contient aucune révélation. Une grande partie du texte raconte la vie de Seznec au bagne et parle des protections dont il a bénéficié. "De tout temps pendant mon séjour au bagne j’ai toujours obtenu des places de choix. Les personnes qui me voulaient du mal n’ont jamais réussi à me faire avoir un jour de punition malgré que j’aie passé deux fois le Conseil pour tentative d’évasion et deux fois acquitté, car je vous avoue que j’ai fait aux Iles deux canots pour m’évader, j’ai échoué toutes les fois."

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Depuis la fin de l’année 1953, un jeune reporter, Claude Bal, ne quitte plus Seznec. Il veut recueillir ses confidences pour "Paris-Match". Il fait signer à Seznec un papier le chargeant de façon exclusive de découvrir des faits nouveaux en vue d’une révision du procès.

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Guillaume Seznec meurt le samedi 13 février 1954, rue du Chevaleret, à Paris. Il avait 76 ans.

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Un sculpteur, Edward Minazolli, prend le moulage en plâtre du visage de Seznec pour en faire un buste funéraire.

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Après une autopsie par le Professeur Piedelièvre, le corps de Seznec est ramené rue du Chevaleret, pour une messe à l’église Notre-Dame-de-la-Garde, puis sous des bourrasques de neige, le fourgon funéraire part pour la Bretagne. Guillaume Seznec est enterré à Plomodiern, près de sa mère. (Sur la photo, derrière les porteurs du cercueil : Albert, Francette, Jeanne, Claude Bal et Petit-Guillaume.)

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En 1955, l’administration des Impôts réclame à Jeanne Seznec 57.952 francs pour l’hospitalisation de son père Guillaume Seznec du 14 novembre au 4 décembre 1953.

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Janvier 1955. Persuadée que quelqu’un a poussé son père en novembre 1953 sous la camionnette, Jeanne Seznec porte plainte pour homicide. Ses deux frères, Albert et Guillaume, tiennent à être présents dans cette procédure. Jeanne est assistée par Me Raymond Hubert. Ses frères par Me Henry Torrès, qui a été l’avocat de Juliette Le Her, lors du procès de Jeanne Seznec. Me Torrès délègue son jeune collaborateur, Robert Badinter. Le non-lieu est finalement confirmé, la mort de Seznec étant considérée comme accidentelle.

Sur la photo : Me Robert Badinter, Jean-Claude Le Her, fils aîné de Jeanne Seznec et François Le Her, Jeanne Seznec, Me Raymond Hubert.

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Notes de Claude Bal concernant ce que l’on a appelé "la piste de Lormaye".

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En octobre 1955, Claude Bal fait paraître son livre "Seznec était innocent". Au même moment, en s’appuyant sur la procuration qu’il a fait signer à Seznec, il dépose une demande en révision au ministère de la Justice.

Ses conclusions sont surprenantes : l’assassin, c’est François Le Her, l’ancien mari de Jeanne Seznec, qui avec l’aide de l’inspecteur Bonny a tué Quémeneur au café "Au Tambour", lors d’un règlement de comptes concernant la vente d’automobiles provenant des stocks de la guerre 14-18. Deux témoins ont assisté au meurtre.

Le commissaire René Camard est désigné pour vérifier ces affirmations. Ses conclusions sont accablantes pour Claude Bal : "Il n’est pas inutile d’insister sur le manque de sérieux de la requête présentée par M. Bal. On peut la qualifier "d’ensemble d’allégations, de suppositions, d’appréciations, d’hypothèses et de raisonnements". En octobre 1956, la requête en révision est rejetée.

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La requête en révision déposée par Claude Bal a donné lieu à une opposition entre les trois enfants survivants de Guillaume Seznec. Albert et Petit-Guillaume reprochent à leur soeur Jeanne de chercher à se faire de la publicité en discréditant les démarches de Claude Bal

Petit-Guillaume et Albert, les deux fils de Seznec reçus par le directeur de Détective.

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En janvier 1956, Yves-Frédéric Jaffré, l’un des deux avocats de Juliette Le Her, publie à son tour un livre "L’Affaire Seznec" qui conclut à la culpabilité de Guillaume Seznec, en remarquant toutefois que subsistent de nombreuses zones d’ombre et de doute : "On ne saura jamais le fin mot de cette curieuse histoire."

Dernières pages du livre de Me Jaffré

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Juin 1967, la télévision consacre à l’affaire Seznec une émission de "Cinq colonnes à la une". C’est Frédéric Pottecher, célèbre chroniqueur judiciaire de l’époque, qui a mené l’enquête. Pas de révélations. Seulement la confidence d’un des magistrats assesseurs de la Cour d’assises de Quimper, M. Donnart. "Seznec aurait sûrement été condamné à mort, mais au moment où le jury délibérait, quelqu’un a dit "C’est un crime passionnel. Quémeneur était l’amant de la femme de Seznec".

"Bref, conclut à son tour Frédéric Pottecher, quarante ans après le verdict, on ne sait pas grand-chose de sûr."

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